L’apprentissage difficile des langues en France

Au travers de mes différentes expériences à l’étranger, j’ai toujours été surpris du niveau d’anglais souvent médiocre de la plupart de mes compatriotes français. Prenez par exemple, tous les présidents français, aucun (à part l’actuel président Macron) ne parlait anglais ni aucune autre langue malgré des parcours scolaires d’élite. J’irai plus loin, j’ai pu constater une Europe à 3 vitesses concernant le rapport aux langues :

  • Les habitants des pays anglophones qui globalement ne parlent pas d’autre langue que l’anglais car ils n’en ont pas besoin
  • Les habitants du Nord de l’Europe (scandinaves, baltes, Bénélux) qui sont souvent parfaitement bilingues anglais et peuvent tout à fait apprendre une autre langue comme le chinois.
  • Et les habitants du Sud de l’Europe (pays latins dont la France, plus la Grèce, les Balkans) qui maitrisaient relativement mal l’anglais. Surtout pour des pays comme l’Espagne, l’Italie ou la France.

D’où vient cette fracture si visible pour l’apprentissage de l’anglais et des langues en général ? N’est-elle pas symptomatique pour la France d’un disfonctionnement de notre système scolaire ? les cours d’anglais sont-ils suffisamment bien pensés ? bien orientés ? Evidemment, si demain l’importance d’une autre langue comme le chinois se faisait sentir, la France serait encore à la traine et nul doute que les pays du Nord de l’Europe seraient beaucoup plus performants et opportunistes.


En France, l’apprentissage des langues commencent tôt et pourtant…


En France, l’apprentissage des langues commence parfois dès l’école primaire, l’élève a entre 6 et 11 ans. L’anglais est la langue la plus enseignée mais les efforts mis en place dépendent fortement de l’école et de son directeur. Toutes les écoles n’enseignent pas de langue. Les enseignements ne sont pas institutionalisés et ne répondent pas à un cahier des charges précis. Il n’y a pas d’ambition particulière à ce genre de programme, c’est une initiation. Certains établissements proposent d’ailleurs le chinois en option mais c’est assez rare. Cette exposition à une autre langue est donc un éveil.
Lors de son entrée au collège à environ 11 ans, un élève doit choisir une langue obligatoire (langue vivante 1). Historiquement, le choix portait sur l’anglais ou l’allemand mais aujourd’hui certains établissements proposent d’autres langues comme le chinois. L’année suivante, une deuxième langue (LV2) sera choisie et là encore le choix s’est élargi depuis quelques années (à l’espagnol, l’allemand et l’anglais, se sont ajoutés le chinois, le russe, l’arabe). Il est à noter que l’anglais doit être choisi, soit en LV1 soit en LV2, car cette langue est considérée aujourd’hui comme indispensable.
L’anglais est ensuite pratiqué jusqu’au bac, examen national qui conditionne l’entrée à l’université (80% d’une classe d’âge en France obtient le bac). Ainsi, en France 80% des jeunes ont suivi durant au moins 4 ans de collège, puis 3 ans de lycée, des cours particuliers en anglais pour préparer les concours. Comment expliquer un niveau aussi faible après 7 ans de pratique d’une langue ? Pour beaucoup d’élèves, les problèmes sont encore plus criants à l’oral car le format écrit est beaucoup plus travaillé. Les classes surchargées d’élèves ne favorisent pas une prise de parole ni une mise en situation réelle. Les cours de langues en France à l’école s’apparentent plus à du bachotage, à apprendre par cœur des règles, ainsi les élèves se détachent du but premier d’une langue qui est de communiquer et non pas de résoudre des exercices.


La France, l’état d’esprit d’une ancienne puissance coloniale

Gardons en tête que le français a été longtemps une langue en forte croissance dans le monde et était parlé dans de nombreux pays. Actuellement 500 millions de personnes parlent ou comprennent le français (6ème langue la plus parlée après le mandarin, l’hindi, l’anglais, l’espagnol et l’arabe), principalement en Afrique. Cela vient renforcer le sentiment d’empire hérité des conquêtes coloniales qui n’a jamais favorisé l’état d’esprit des Français à apprendre une autre langue ; mais plutôt la diffusion de leur culture (et leur langue) au reste du monde. Par exemple, il est toujours surprenant de voir à Paris (ville la plus touristique du monde) des serveurs de café ne parlant pas un mot d’anglais et ne pouvant satisfaire des touristes pris de court.
La défense de la langue française au Canada par les québécois francophones est organisée et relève presque d’une guerre culturelle, la langue française serait-elle au-dessus des autres ?
La plupart des pays d’Europe du Nord qui maitrisent une seconde langue sont de petits pays (avec peu d’habitants) sans héritage colonial, et ont vu dans l’anglais une opportunité de commercer avec le reste du monde, de s’ouvrir. Maîtriser une autre langue est pour eux une question de survie car ils ne pouvaient imposer leur culture aux autres. Au Danemark par exemple, presque tout le monde parle anglais et des chaînes de TV anglophones sont disponibles pour tous. Les films américains sont regardés en version originale, à la limite sous-titrés, mais jamais doublés.


Le Français est une langue latine, et avec une faible exposition à la culture anglophone

Les pays latins d’Europe sont souvent pointés du doigt comme les mauvais élèves dans l’apprentissage des langues et surtout en anglais. Pourquoi un tel écart avec par exemple les pays du Nord de l’Europe alors que les PIB ne sont pas si distants ? Certains invoquent le fait que les langues latines ont moins en commun avec l’anglais que les langues des pays du Nord (le danois, le néerlandais, l’allemand ont beaucoup de points communs avec l’anglais). Les prononciations sont aussi très différentes.
Par ailleurs, il existe en France une idée d’exception culturelle qui est un contrepoids à l’American way of life. Le mode de consommation moins frénétique, des habitudes alimentaires et une gastronomie spécifique (les repas prolongés, le vin, le pain,…) sont autant d’exemples de zones qui résistent plutôt bien à la culture anglo-saxonne.
Pour conclure, il est indispensable que la France repense son rapport aux langues étrangères et leur apprentissage. Le français n’a plus l’influence suffisante pour se réclamer langue universelle. Aujourd’hui, l’anglais est la langue la plus convoitée mais demain, avec la croissance de pays émergents comme la Chine, de plus en plus d’européens devront apprendre le chinois. Si l’école ne suffit pas, il faudra alors se diriger vers des solutions de cours particuliers externes.